Et puis qu'est-ce que je pourrais bien vous dire sur le sujet? Je suis un usager, pas un expert. Je place la petite carte bleue sur le lecteur et je m'engouffre dans les corridors de ciment.
Certains disent que notre société favorise de plus en plus l'individualisme. Tout pour se renfermer à l'intérieur de son chez-soi sans avoir à inter réagir avec le monde extérieur.
Pas dans le métro….
Il y a tellement de monde que malgré le fait que j'utilise le tunnel deux fois par jours, aux mêmes heures, je reconnais rarement les gens. Sauf… Au fil des mois, voire des années, on commence à reconnaître quelques têtes, quelques styles. Ceux qui sont le plus remarquables, les bizarres qui parlent tout seuls, les filles aux cheveux roux, les colosses à la peau noire qui portent des chaînes et des lunettes de soleil en plein souterrain, les asiatiques endormis parce qu’ils ont étudiés une partie de la nuit, le gars de sept pieds qui nous fait passer pour des figurants dans un remake de Blanche-Neige et les sept nains, la famille latino dont le plus jeune est toujours en train de tourner autour du poteau central, le chinois qui se plante, droit, jambes écartés, devant la porte, comme pour bien montrer qu'il est capable de faire tout le voyage sans se tenir après rien, et j'en passe... Dans le fond, oui, on en reconnaît du monde...
C'est profond un tunnel, je descends un escalier roulant, puis un autre, puis je tourne vers la gauche et j'aperçois le long quai, la rampe d'atterrissage et de décollage du serpent de métal bleu.
Le quai est bondé...
Je ne suis pas un expert, je suis un usager, je suis le type qui descend l'escalier roulant avec son long manteau noir et son sac beige en bandoulière. Pour les autres, je suis probablement le monsieur avec les petites lunettes rondes et la moustache qui déplie son exemplaire du Devoir après s'être arrêté à un endroit bien précis du quai. Certains auront peut-être remarqués que je m'arrête toujours au même endroit, précisément. Que je termine mon café rapidement, si ce n'est pas déjà fait avant, puis que je retire un journal roulé dans mon sac, roulé serré, avec un élastique, on voit tout de suite que c'est un journal qui été livré devant ma porte le matin même. Je suis celui qui est toujours directement en face d'une porte lorsque le métro s'arrête, toujours la même. Celui qui ne s'assoit jamais, peu importe le nombre de places disponibles, mais qui s'accote entre l'extrémité du wagon et le gros filtre à air planté sur le sol. Le gars qui tourne les pages de son immense journal en tentant de déranger le moins de monde et qui doit, en période de grande affluence, le lire en le faisant glisser comme un vêtement sur une corde à linge imaginaire au bout de ses doigts.
Je ne suis pas un expert, je ne peux pas vous parler de ce contrat pour les nouveaux wagons, des retards que les délais de sa conclusion vont amener. Je ne peux pas commenter sur les continuelles pannes de train pour des portes mal fermées, des freins d'urgences, des "incidents" qui font des flaques de sang sur les rails et des immenses trous dans la vie des gens.
Le quai est bondé...
La rame qui pénètre finalement le long du quai me donne l'impression de participer au tournage d'un film sur la déportation des juifs dans les camps de travail allemands. Des centaines de visages sans expressions se serrent derrière les vitres des wagons...
Trop de monde, j'attends la prochaine rame pour m'insérer finalement dans l'assemblage humain.
On vit dans une société de plus en plus individualiste. Aujourd'hui mon individualité est collée entre celle d'un père hispanique, d'une femme endormie et d'une jeune étudiante. En regardant vers le fond du wagon j'entrevois le gars de sept pieds qui semble se baigner dans un océan de têtes et de cheveux...
Impossible de déplier mon journal sans causer une émeute…
« Une panne de train cause un ralentissement de service sur la ligne verte en direction Honoré-Beaugrand »
Militaire, journaliste, écrivain, maire de Montréal et maintenant… Hum… Honoré, pour l’instant, tu n’es qu’une direction vers laquelle mon corps chavire, goutte d’eau dans une mer de monde…. Si j’ai de la chance je vais pouvoir atterrir sur Square-Victoria et grimper dans ma tour de la bourse avant que tout ne cesse de fonctionner….
Parce que tout fonctionne de plus en plus mal dans le métro….
Je ne suis pas un expert, je suis le gars qui descend l’escalier. Vous savez? Celui avec la moustache et les petites lunettes rondes…
Vous m’avez pas remarqué?
Je sais, je sais c’est parce que vous regardiez la fille aux cheveux roux…
Ou le type de sept pieds, on peut pas le manquer….
McLeod
3 commentaires:
Y'a peu de tunnels à Québec. Aucun ne mène au grand serpent bleu qui se goinfre d’humanoïdes. Ni bleu, ni vert, ni d’autre couleur.
Ceux qui relient les pavillons de l'Université Laval, sont un véritable labyrinthe. Très affairés selon les heures et selon l'humeur du climat, ils se font craindre selon les heures et l’humeur du passant.
Puis il y a ceux qui, en Haute-Ville, relient des stationnements pleins à des immeubles occupés ou l’inverse selon les heures et les jours…
Le brouhaha de la cité souterraine montréalaise n’atteint pas ces corridors aseptisés dont seul l’écho de tes propres pas trompe généralement la quiétude. Là, tu trouves toute la place voulue pour déplier le journal. Le lire au complet … Le relire si tu veux. Aucun ne mène au grand ogre bleu, à ses quais, ou à cette foule bigarrée que tu décris si bien. Autre ville, autre mœurs.
Félicitations pour cet excellent texte.
McLeod, le poete, le conteur, le reciteur, le décriveur...quel beau texte... decrivant un quotidien si quotidien qu'on n'y voit rien...ca vaut bienb quelques jean barbe et compagnie...super...continue, on aime te lire...
Le même sujet exprimé autrement, à Paris...
http://www.tuxboard.com/bref-jai-pris-le-metro/
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